dimanche 5 février 2012


LA PRATIQUE DE LA VERTU  A LA LUMIERE DE LA RAISON SELON SPINOZA

  1. INTRODUCTION

             L’homme de part sa nature, il est appelé à vivre dans le monde qui est le tien. Il a une manière de se comporter, de se conduire par rapport à son environnement géographique, humain, idéologique, social etc.
C’est dans cette perspective qu’il cherche toujours ce qui contribue à son édification et lui permet d’aller de l’avant. Pour cela on peut se demander s’il est possible qu’on puisse diriger sa vie suivant une règle bien établie ou du moins s’assurer qu’il en existe une ; sans rien changer ni s’écarter des habitudes communes.
Vu la vie de l’homme aujourd’hui préoccupée par la recherche des honneurs dérisoires, des richesses, des distractions de l’esprit, il la recherche des bonheurs hédonistes, on peut se demander s’il y a une façon de vivre ou bien une manière de se comporter qui serait mieux adapté pour l’homme, qui est toujours à la recherche de sa perfection afin de mener des bonnes relations aussi bien dans l’ordre horizontal que vertical c’est-à-dire entre ses frères et l’Absolu.
C’est ce que nous allons examiner dans ce travail en essayant de voir comment on peut mener une vie vertueuse à la lumière de la raison, en nous inspirant des idées du penseur Baruch SPINOZA.
Dans ce travail nous allons voir comment notre inspirateur conçoit la raison, ensuite la démarche réflexive, ainsi que l’homme dans son état affectif ,ses désirs ,ses sentiments, ses passions pour sauter jambes jointes au chapitre intéressant davantage notre travail,le rôle de la raison dans la conduite dans la conduite de l’homme c’est-à-dire la pratique de la raison enfin nous ferons une conclusion récapitulative.                                                 

                                 CHAP.I. LA RAISON CHEZ SPINOZA

Spinoza fait des considérations suivantes sur les raisons :
a)La raison est universelle mais ne pas commune à tous les hommes. L’idée d’un esprit universel est étrangère chez Spinoza. C’est une pure abstraction de l’esprit. Elle est universelle en tant que « les notions communes »et les autres idées adéquates qui en dérivent sont communes à tous les entendements lorsqu’ils pensent les choses non pas dans leur succession, mais dans un ordre déductif, par détermination nécessaire des idées les unes par les autres. C’est ce qu’il veut dire lorsqu’il affirme qu’il est de la nature de la raison de considérer les choses non comme contingentes  mais comme nécessaires.
b) «  La raison est connaissance par idées adéquates. »[1] Mais elle ne conclut pas à partir d’abstraction. La  raison n’est pas connaissance par genres et espèces. Les essences véritables des choses sont à la fois les principes connus à partir des attributs et des modes infinis de Dieu, qui, dans la philosophie de Spinoza, sont à la fois les principes d’explication et de génération des différentes manifestations de l’être, chacune d’elles exprimant l’unité d’un ordre nécessaire et intelligible. La raison, connexion des idées adéquates, reproduit la connexion des choses matérielles selon leur ordre intelligible.
c) La raison apporte à la science ses principes mais elle ne constitue pas un système de normes qu’on pourrait appliquer ou non. La raison est immanente à la connaissance vraie et constitue son dynamisme interne.
Dans ce domaine de la connaissance, Spinoza distingue trois genres de la connaissance :
-La connaissance par ouï-dire, qui est une connaissance avec des répétitions anonymes que l’on acquiert dès la naissance et en général celle qui nous dérive par la tradition.
-La connaissance vague, celle qui vient de rapprochement accidentel des cas semblables par exemple de se rendre compte que l’homme est mortel.
-La connaissance intuitive, celle qui s’acquiert par le sentiment et de la chose elle-même comme passage « de l’idée adéquate de l’essence des attributs à l’essence adéquate des choses. »[2]
Mais la connaissance a chez Spinoza une autre portée que chez Descartes. Chez Descartes l’intuition est saisie d’idée claire et distincte, matière du jugement vrai. L’intuition spinoziste est de l’ordre de l’amour ; elle est l’union par l’intelligence d’une essence singulière avec l’Absolu.

Chap. II. LA METHODE REFLEXIVE

 

Il ne suffit pas, pour mettre la connaissance au service de l’éthique et de la liberté, de montrer la nécessité de passer de la pensée imaginaire à la pensée rationnelle ;ni de définir la vérité  comme connaissance adéquate ,et comme ordre  convenable et rigoureux des enchaînement des idées .

Il faut en outre appuyer la nouvelle doctrine de la vérité sur une base à la fois autonome et ultime, sur un véritable commencement qui se suffise à soi comme départ et comme critère du vrai sans avoir ultérieurement à se référer à Dieu comme à un ultime recours et à un nécessaire justification.
Ce fondement autonome de connaissance vraie est chez Spinoza, la réflexion même. «La méthode de la philosophie sera la connaissance réflexive appuyée sur la connaissance de l'idée vraie comme étant son propre critère.»3
            Cette méthode fait un dévoilement de sa propre vérité et la fausseté du faux, à la manière de la lumière qui rende manifeste sa propre présence et la présence des ténèbres. La doctrine spinoziste de la vérité est donc une doctrine de la certitude réflexive.
            La réflexion n’est pas seulement le moyen et le fondement de la connaissance vraie, et  par conséquent l’un des buts de la sagesse, mais encore la condition et le moyen de la libération existentielle, passionnelle et politique.

Chap. III. L’HOMME A L’ETAT AFFECTIF

            Le sujet humain se caractérise par diverses aspects parmi lesquels nous trouvons l’affectivité. Parmi les éléments qui composent l’affectivité nous allons nous limiter dans notre travail sur les affects les plus importants de la vie de l’homme à savoir les sentiments et les passions. Notons que sentiments et passions signifient presque la même chose chez Spinoza.
Spinoza entend par sentiment, " les affections du corps par lesquelles, on  assiste à l'augmentation ou la diminution de la puissance de l'agir du corps. "4La qualité de nos sentiments est déterminée toujours par notre connaissance.
Nos sentiments sont des passions lorsqu'ils ont leurs sources dans les idées inadéquates et confondues. Mais qu'est- ce que une passion ?
"La passion est un désir aveugle, désir sain et puissant dévié par les tâtonnements interminables qui ne savent pas ce que c'est percevoir."5Pas de passion sana action, des choses inertes ou mortes ne peuvent pas pâtir. Nous, nous pouvons pâtir dans la mesure où une activité étrangère à notre nature limite notre propre activité. Pour cela elle ne peut donc se définir que par rapport à aspect actif de notre être, que Spinoza désigne par le mot "conatus " qui exprime en nous la puissance et la vie même de Dieu à un degré déterminé et qui, en raison de nôtre dépendance à l’égard de tous les autres êtres du monde, peut être augmenté ou diminué.
Le conatus constitue l’effort par lequel chaque chose s’efforce de persévérer dans son être, il est la source de toutes nos tendances et même de nos volitions. Pouvant être modifié par l ‘action des causes extérieures dans le sens du  plus ou moins, le conatus se transforme en passion. Ainsi on peut dire que  la passion est "Une idée confuse par laquelle l’esprit affirme l’augmentation  et la diminution de la puissance d’agir de notre corps."6
            La joie et la tristesse constituent deux passions fondamentales dont tous les autres dérivent. La joie est le sentiment de l’épanouissement que chacun de nous éprouve, lorsque  sa puissance de vivre se trouve accrue par les changements qu’il subit : elle est un passage d’une perfection moindre à une perfection plus grande.
La tristesse quant à elle, est une dépression que  nous éprouvons lorsque notre puissance  de  vivre se trouver diminuée lorsque les causes extérieures conditionnent un rétrécissement  de notre être : la tristesse emprunte le chemin  inverse de la joie.
           
De ces deux sentiments, la tristesse et la joie dérivent l’amour et la haine.
L’accroissement ou la diminution de notre puissance d’agir est dû à une cause extérieure. Ainsi la raison nous permet de fournir un effort  pour conserver ou de nous rapprocher davantage à la cause de notre joie –C’est l’amour- ou dans le cas contraire de nous éloigner voire détruire la cause de notre tristesse –C’est la haine-.L’amour et la haine sont des sentiments les  plus déterminants chez l’homme dans sa vie sociale.

                        3.1. La sympathie et L’antipathie


Lorsque nous nous imaginons ou nous percevons une chose semblable à celle que nous aimons ou nous haïssons, elle peut devenir soit la cause de notre joie ou notre tristesse.
On peut l’aimer ou la haïr sans savoir pourquoi. C’est ainsi  que s’expliquent les attitudes de sympathies et d’antipathies,qu’on n’arrive même à justifier le pourquoi de leur manifestation.

           

                        3.2. L’orgueil,  l’envie et la jalousie


            L’orgueil consiste dans le fait de s’estimer beaucoup et à sous-estimer  les autres. Toute fois, l’orgueilleux a de lui-même, une meilleure opinion qui n’est pas juste ,il a tendance à confondre le réel et l’imaginaire et  à exagérer ses mérites .Il vante les forces de son corps et son âme. Il prétend  être supérieur aux autres et cherche toujours ce qui  le distingue des autres.Cette passion Spinoza l’appelle «ambition».
L’envieux quant à lui ne s’aime pas véritablement soi-même, puisqu’il souffre de n’être que ce qu’il est et de n’avoir que les biens qui sont à sa portée. Il n’aime qu’autrui parce qu’il aimerait pour ainsi dire se substituer à lui.
Enfin, la jalousie : le jaloux quant à lui il aime autrui et veut que cet amour soit réciproque et exclusif.

En somme, la passion est un symptôme d’une maladie de l’âme dont la puissance de vivre est surmontée par la puissance des causes extérieures. Ce ne sont que ces passions ou ces sentiments qui caractérisent nos attitudes envers les autres dans la société. L’homme soumis à ses passions peut être vertueux à condition qu’il les contrôle par sa raison, car dans le cas contraire il en serait esclave, et cet esclavage n’est rien d’autre que, comme le dit Spinoza « l’impuissance de l’homme à gouverner et à contenir ses sentiments.»7
Chap. IV. LE ROLE DE LA RAISON DANS LA CONDUITE DE L’HOMME :        PRATIQUE DE LA VERTU

            L’homme ballotté par les passions n’a pas à être puni. Mais, l’homme est-il condamné à vivre sous le régime de la passion?
Certes, il découle du déterminisme absolu de Spinoza que, les passions sont inévitables, n’étant qu’une partie de la nature, chacun de nous ne peut pas ne pas pâtir.
En un sens, il est permis de dire que, l’homme soumis aux passions, bien qu’il se prétende libre, est asservi à un destin aveugle ; il vit ,en effet, s’il est permis d’employer l’expression marxiste, sous le régime de l’aliénation. Mais s’il pouvait comprendre la nature et les causes de ses passions, cette compréhension le délivrerait de ce qu’il croyait être le principe de sa liberté, et qui est en réalité, un principe de ce que nous avons appelé ci-haut "le destin aveugle". Mais notre pouvoir de comprendre constitue le meilleur remède contre les passions, et nous permet de passer de la passion à la vertu.
En quoi consiste « la vertu » dans la doctrine spinoziste et quels sont ses effets salutaires ? Voilà ce qui va nous préoccuper dans la suite.
Dans la tradition juive ; dont Spinoza a commencé de nourrir sa pensée, on décrit la vertu en termes de « crainte »et « obéissance ».
Etre vertueux, c’est obéir à la loi prescrite par Dieu, par crainte du châtiment d’abord,  par un amour sincère ensuite ;bien que on ne comprenait pas toujours le sens et l’utilité exacte de ses commandements.
Dans la tradition philosophique, on définit la vertu en termes de volonté et de la connaissance .Pour Aristote ensuite reprise par Maimonide, la vertu est une disposition acquise, conforme à la raison, définissant dans chaque cas, ce qui est la juste mesure pour nous, et présupposant un choix réfléchi de la volonté. 
L’acte vertueux est, selon lui, dû à un choix, précédé d’une délibération, dont l’objet est de construire un raisonnement pratique dont la conclusion est la maxime pratique à adopter, applicable dans tel ou tel cas particulier. C’est en raison de ce choix qu’on peut  être loué ou blâmé.
Spinoza admire Descartes dans son génie, quand il dit que « la vertu est une disposition habituelle à bien juger, à procéder à un examen critique de tous les biens dont l’acquisition dépend de nous. »8 Mais Spinoza ajoute que le bon jugement exige la fermeté de la résolution de suivre avec constance toute opinion conseillée par la raison. Spinoza fait une rupture avec la tradition religieuse de son enfance et avec la tradition philosophique.

Définir la vertu en terme d’obéissance n’est que suivre la conviction ordinaire, vulgaire ; considérer la moralité et la religion ainsi c’est la prendre comme un fardeau qu’on peut se débarrasser, si l’on ne croyait pas à un Dieu justicier.
La garantie de l’amour des hommes envers Dieu sera « une valeur spirituelle, inhérente  à celui qui atteint la connaissance authentique de Dieu. »9
Quant à la tradition philosophique, elle définit la vertu par sa conformité à la raison. Cette dernière est selon Spinoza « un pouvoir de la nature, un système d’idées adéquates qui déterminent nécessairement  nos vertus »10.
De cela être vertueux ce n’est pas suivre les conseils de la raison par un décret libre de la volonté, mais être nécessairement par elle. Mais quiconque obéit à la crainte et fait le bien pour éviter quelque mal n’est point conduit par la raison.
Les superstitieux, qui aiment mieux flétrir les vices qu’enseigner les vertus, et qui s’efforçant de conduire les hommes non par la raison, mais par la crainte, les portent à éviter le mal plutôt qu’à aimer les vertus, n’aboutissent à rien d’autre qu’à rendre les autres aussi misérables qu’eux- mêmes ;et c’est pourquoi il n’est point surprenant  qu’ils se rendent presque toujours odieux et insupportables aux hommes . Ceux qui s’efforcent de se conduire et de conduire les autres n’agissent point avec impétuosité, mais avec douceur et bienveillance, et ceux-là sont toujours d’accord avec eux-mêmes.
Vivre c’est vivre en accord avec soi-même et dans la vertu. Et la vertu véritable n’est autre chose, en effet qu’une vie réglée par la raison.
La raison nous apprend, dit Spinoza, qu’il est convenable de nous emparer de tout ce qui, parmi les choses matérielles et vivantes, autres que les hommes, peut contribuer à la régénération de notre être.
La prescription de la raison est surtout nous associer avec les autres hommes et de joindre nos forces, au lieu de nous déchirer réciproquement, car, bien que la vie en société exige de notre part des renoncements, les avantages qui en résultent remportent beaucoup.

                                       CONCLUSION

            La nécessité de la raison dans la pratique de la vertu reste indispensable et comme nous venons de le voir la raison est une condition sine qua none de la vie vertueuse .Toute religion, toute piété, auxquelles nous faisons recours dans notre effort quotidien de vivre en homme vertueux doit être conduit par la raison, par ailleurs la piété n’est rien d’autre que « le désir de faire du bien dans une âme que la raison conduit »11
Comme l’homme ne vit pas seul, en tant qu’être social, il doit s’unir à la société par des liens d’amitié ; et pour cela guidé par la raison il est appelé à posséder la vertu de l’honnêteté qui lui rend agréable aux autres, comme l’honnêteté est « ce qui est l’objet des louanges pour les hommes que la raison gouverne. » N’importe qui et dans n’importe quel endroit où on est, on doit chercher toujours à être vertueux ; et être vertueux c’est éviter le mal et promouvoir ce qui est bien. C’est un travail de la raison qui fait aussi appel à la volonté.
La  fin suprême de l’homme que la raison conduit, son désir suprême, désir auquel il s’efforce de régler tous les autres, c’est donc le désir qui l’aide à connaître d’une manière adéquate, et soi-même et toutes les choses qui tombent sous son intelligence. Cette connaissance aide à maîtriser les sentiments, les impulsions aveugles qui nous rendent orgueilleux et odieux voire agressifs autres, surtout à ce qui ont d’autres goûts ou d’autres pensées que les nôtres.

Enfin c’est le respect des autres par la raison, qui nous aide à maîtriser, ces différents sentiments susdits, que nous parviendrons à la vertu, surtout les vertus cardinales à savoir : le courage, la tempérance, la prudence et la justice.

BIBLIOGRAPHIE

1. René LESENNE, Traité de morale générale, P.U.F, Paris, 1967.
2. André&Denis HUISMANN, Histoire des philosophes illustrée parles textes, Ferdinand NATHAN, Paris, 1966.
3. Sylvain ZAC, La morale de Spinoza, P.U.F, Paris 1972.
4. Ferdinand ALQUIE, Spinoza, Ethique, P.U.F Paris, 1974.
5. Aloys SIBOMANA « LA MORALE DANS LA PENSEE DE  SPINOZA »Aréopage, 2005 NO.5, 2005, p 9-20.
6. André COMTE – SPONVILLE, (Sous la direction de) Dictionnaire des  philosophes, Encyclopedia Universalis et Albin  Michel, Paris, 2001.


 [1]Emile ZAC, La morale de Spinoza, P.U.F ,Paris  1972 p31
2 Emile ZAC,Op.Cit p 33
3 Emile ZAC, Op.Cit, p.34
4 Ibidem, p.41
5 A.Sibomana,LA MORALE DANS LA PENSEE DE SPINOZA, Aréopage, 2005, No5, Grand Séminaire de Kabgayi, p.12.
6 Sylvain ZAC, Op. Cit., p.31
7Ferdinand ALQUIE, Spinoza, éthique, P.U.F, Paris 1974,  p. 99
8 Sylvain ZAC ,La morale de Spinoza, P.U.F ,Paris 1972
9 Idem, pp 43
10 Sylvain ZAC,Op.Cit pp 43
11 Ferdinand ALQUIE, Op.Cit. p.111
Dieu est Amour, A MOI IL A DONNE TOUTE SA MISERICORDE

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