Les références des textes de ce dimanche Actes 3,13-15. 17-19 Psaume 4 1 Jean 2,1-5 Luc 24,35-48 Le commentaire des lectures bibliques par Marcel Domergue, jésuite, rédacteur à Croire aujourd'hui


Les références des textes de ce dimanche
Le commentaire des lectures bibliques
par Marcel Domergue, jésuite, rédacteur à Croire aujourd'hui

Long, le chemin de la Croix, long, le chemin de la foi. Les disciples d’Emmaüs ont reconnu Jésus au partage du pain ; quand ils ont raconté leur aventure aux Apôtres, ceux-ci leur ont annoncé qu’il était apparu à Simon, apparition d’ailleurs absente de nos récits. Et voici que Jésus, tout à coup, se trouve là, au milieu d’eux. Cela n’aurait pas dû les surprendre puisqu’ils étaient justement en train de parler de leurs rencontres précédentes avec lui. Pourtant, ils n’en croient pas leurs yeux et le prennent pour un « esprit », comme si un « esprit » pouvait se voir. Ici le mot esprit équivaut à irréel. L’évangéliste veut nous faire comprendre deux choses, notamment. D’abord, que la foi ne vient pas à maturité d’un seul coup ; sa forme parfaite est au bout d’un itinéraire, et merci à Dieu si au départ elle est aussi volumineuse qu’un grain de sénevé. De plus, elle n’est jamais acquise comme un bien inaliénable : nous pouvons être croyants à 8 heures du matin et incroyants cinq minutes plus tard. En fait, on ne possède pas la foi, on la reçoit sans cesse. Elle suppose donc de notre part une ouverture permanente, qui n’est autre que la conscience de la présence de l’Autre, cette présence qui nous fait être. Nous avons cru avoir tué Dieu, et tant de nos contemporains imaginent en avoir fini avec lui. Or voici qu’il est là, Ressuscité. Pour les croyants, la mort définitive du Christ, Parole créatrice faite chair, équivaudrait à notre retour personnel au néant ; sa résurrection est garantie de notre « vie éternelle ».
La gloire de la chair
Le mot « chair » est ambigu dans l’Écriture. Tantôt il désigne le corps humain, tantôt l’être humain tout simplement, comme dans les expressions « toute chair verra le salut de Dieu » ou « l’Esprit sera répandu sur toute chair ». Il peut désigner aussi, et cela arrive souvent, ce qui en nous s’oppose à l’esprit et lui demeure imperméable. Plus encore que les autres évangélistes, Luc insiste sur le caractère corporel de la Résurrection. Dans notre évangile, Jésus ne se contente pas, comme en Jean 20, de montrer ses plaies, il réclame de la nourriture et mange devant ses disciples du poisson grillé. Cette insistance sur le côté charnel de la Résurrection rencontre en nous de sérieuses difficultés. Déjà, les premiers chrétiens se demandaient : « Avec quel corps les morts reviennent-ils à la vie ? » (1 Corinthiens 15,35). Paul répond qu’il y a autant de différences entre le corps mort et le corps de la Résurrection qu’entre la graine semée en terre et la plante dans sa maturité. Métaphore, bien entendu, mais qui a le mérite de donner l’image d’une continuité et d’une discontinuité liées. Le même devient autre. Jésus mange, garde ses plaies, mais il n’est plus soumis aux lois de l’espace et du temps. Nous voici invités non seulement à croire sans voir, mais aussi à croire sans concevoir. Nous ne pouvons ni décrire ni penser le corps de la Résurrection. Et pourtant, il y a corps. D’ailleurs la nature est pleine d’images de la Résurrection : la succession des saisons, le sommeil et l’état de veille, etc. Passage des contraires l’un dans l’autre.
Ouvrir les Écritures
Comme sur la route d’Emmaüs, Jésus « leur ouvre l’esprit à l’intelligence des Écritures ». L’ensemble de la Bible, sous la forme d’une succession d’histoires particulières datées et localisées, parfois symboliques, nous révèle le sens, la substance de toute l’aventure humaine. Comme le dit l’Apocalypse, c’est un livre scellé, et seul le Christ peut en briser les sceaux. Il le fait par sa mort et sa résurrection, événement clé, fin mot de l’histoire. C’est là que prend sens tout ce qui précède et qui, répétons-le, donne le schéma de tout ce que l’humanité a vécu, vit et vivra. Nous apprenons que tout le divers, tout le contradictoire, tout le conflictuel, tout le bon, tout le mauvais se trouve assumé par le Christ qui nous rassemble en un seul corps. Ce corps est le sien et nous avons à faire un effort pour éviter de penser que le Christ ne ressuscite pas dans sa chair personnelle, mais dans la « chair » de ce nouveau corps qui est l’Église. L’un ne va pas sans l’autre, et si le Christ n’est pas personnellement ressuscité, vaines sont nos paroles, vaine est notre foi, comme le dit Paul dans sa première lettre aux Corinthiens (15,17). Vaine est notre vie. Vaine aussi toute l’histoire biblique. Et Dieu, la réalité active qui fonde l’homme et tout ce qui existe, n’est pas amour. On le voit, la Résurrection est le point final de la Bible, la pointe extrême et aussi la substance de notre foi. De notre vie. L’univers entier est pétri de résurrection cachée, secrète, prenant des formes diverses.

ÉVANGILE SELON LUC 24,35-48
A leur tour, ils racontaient ce qui s'était passé sur la route, et comment ils l'avaient reconnu quand il avait rompu le pain.
Comme ils en parlaient encore, lui-même était là au milieu d'eux, et il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Frappés de stupeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent en vous ? Voyez mes mains et mes pieds : c'est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n'a pas de chair ni d'os, et vous constatez que j'en ai. » Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds. Dans leur joie, ils n'osaient pas encore y croire, et restaient saisis d'étonnement.
Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé. Il le prit et le mangea devant eux.
Puis il déclara : « Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j'étais encore avec vous : Il fallait que s'accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. Il conclut : « C'est bien ce qui était annoncé par l'Écriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d'entre les morts le troisième jour, et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. C'est vous qui en êtes les témoins.