dimanche 5 février 2012

JUSTICE ET PAIX


INTRODUCTION
            I-) GENESE ET FONDEMENT  : JUSTICE ET PAIX
            I-1. Fondement et objectif    
            I-2. Fondement théologique
            I-3. Rapport entre justice et paix
            II-) ENJEUX PHILOSOPHIQUES DES CONCEPTS DE JUSTICE ET PAIX :
            II-1. De l’époque antique
            II-2. De l’époque médiévale
            II-3. De la modernité à la période contemporaine
            III-) L’IMPLANTATION DE L’EGLISE POUR LA PROMOTION DE LA JUSTICE ET DE LA PAIX.
            III-1. Motivation de l’Église dans son engagement
            III-2. Rédaction des encycliques
            III-3. Création des commissions justice et paix
            IV-) LA GESTION DES CONFLITS :
            IV-1. Le terrorisme
            IV-2. La question de désarmement
            IV-3. La coopération au nom de la survie
            CONCLUSION
INTRODUCTION
Une lecture assidue des différents documents constitutifs de la DSE nous force au constat suivant : l’investissement pour la justice et la paix ne cesse tant explicitement qu’implicitement d’alimenter le discours ecclésial. En effet, tous les hommes aspirent à la paix. Agir pour la justice et participer à l’établissement de la paix est une dimension essentielle à la  mission de l’Eglise qui est de libérer la  race humaine de toute situation d’oppression. La paix pour tous naît de la justice de chacun. Nul ne peut se soustraire à un devoir d’une importance si déterminante pour l’humanité. Ce devoir concerne tout homme et toute femme selon leur compétence et leur responsabilité .Bâtir la paix dans la justice requiert en outre la participation de toutes les catégories sociales, chacune dans son domaine propre et en harmonie avec les autres composants de la communauté. L’engagement le plus urgent et le plus efficace à soutenir la paix se situe dans la défense de la justice et dans l’instauration de la justice dans le monde. La justice n’est pas seulement la vertu qui pousse à reconnaître et à respecter les droits de chacun en lui remettant ce qui lui revient selon la raison et la loi, mais elle est aussi l’outil le plus efficace pour construire une société nouvelle basée sur des relations d’équité. Cependant, quel rapport existe-t-il entre la justice et la paix ? Pourquoi la justice et la paix demeurent-elles  en tout temps et en toute société comme une denrée rare ? La paix est-elle possible sans la justice ? Encore qu’est-ce qui empêche les hommes à pratiquer la justice pour une vraie paix ? Qu’est-ce qui fait que la justice et la paix ne soient jamais acquises une fois pour toute dans la société? Notre travail s’articulera autour de quatre points. Nous mettrons d’abord en évidence les fondements et les objectifs de la justice et de la paix, puis donner les enjeux philosophiques des concepts, ensuite montrer la gestion des conflits, enfin montrer l’implication de l’église pour la restauration de la justice et de la paix.

I) GENESE ET FONDEMENT
I-1) FONDEMENT ET OBJECTIF DE JUSTICE ET PAIX
Le mot justice  vient du latin : «  justicia »  qui désigne le caractère de ce qui est Justus, conforme au «  jus », au droit. La justice est la vertu morale qui fait rendre à chacun ce qui lui est dû. C’est la juste appréciation, la reconnaissance et le respect des droits et des mérites de chacun. L’idée de justice fait référence à l’égalité, l’équité, à l’impartialité, à l’intégrité et la probité. Elle implique la proportion et la stabilité ; une formule médiévale la définit ainsi comme « l’art du bon et de l’égal » En outre la justice s’éprouve dans la tension que sépare l’injuste du juste, et dans l’acte par lequel on rend la justice. Elle désigne en ce sens le fait de corriger une inégalité, de combler un handicap, de sanctionner une faute. Ce faisant, l’activité de justice mobilise un ensemble de règle de salut, de pratiques, de discours et de métiers concourant à l’exercice de la fonction de juger. La justice devient alors synonyme d’institution judiciaire. Elle désigne les divers organes à qui la souveraineté nationale a officiellement délégué le pouvoir d’interpréter la loi et d’en assurer l’application par l’exercice de la faculté de trancher entre le juste et l’injuste.
Du Latin « pax », la paix désigne l’absence de troubles, de violences. Elle n’est pas seulement la situation de non guerre, mais aussi l’état d’une personne que rien ne vient troubler, l’état de l’âme qui n’est  troublée d’aucun conflit, aucune inquiétude, l’état, le caractère d’un lieu, d’un moment où il n’y a ni agitation ni bruit.
I-2) FONDEMENT BIBLIQUE DE JUSTICE ET PAIX
Justice et paix sont deux concepts que l’on retrouve dans la Bible de l’Ancien Testament au Nouveau Testament. Lorsque nous parlons de la paix il ne s’agit pas seulement comme il a été dit précédemment du silence des armes, mais d’une paix intérieure, avec sa conscience, avec Dieu, avec son milieu de vie.  La paix doit d’abord être intérieure avant qu’elle ne soit extérieure car toute guerre, tout mal part du cœur de l’homme. Malheureusement, cette paix intérieure est celle qui manque le plus. Un artisan de paix n’est pas seulement celui qui aime la paix, mais aussi celui qui essaie de la faire appliquer : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. »(Mathieu 5,9-12). Pour les chrétiens, le travail pour la paix trouve son inspiration dans l’espérance d’une réconciliation de l’humanité entière, rassemblée en Jésus Christ à « l’accomplissement des temps ».Dans la mort et la résurrection du Christ, le pouvoir de la violence et de la mort a été défait, une nouvelle création s’annonce et se fonde. En Jésus révélé par le Père, l’humanité est radicalement sauvée : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ». (Jean 12,32)  Jésus n’est pas seulement le messager de la paix de Dieu, mais également le réalisateur par le don de sa vie et l’envoie de l’Esprit Saint. Comme le dit l’apôtre Paul : « Maintenant, en Jésus Christ, vous qui jadis étiez loin, vous avez été rendus proches par le sang du Christ. C’est lui en effet, qui est notre paix ; de ce qui était divisé, il a fait une unité. Dans sa chair il a détruit le mur de séparation : la haine » (Ephésiens 2,13-14). Du Christ crucifié et ressuscité, toujours vivant, nous vient une force de paix et de réconciliation. Le chrétien croit que la paix est possible entre les hommes même s’il en attend de Dieu la réalisation plénière. L’espérance de la paix au terme de l’histoire nous encourage à la promouvoir dans le cours de l’histoire.
Dans la Bible, plusieurs notions différentes de paix coexistent : tantôt la paix inscrite dans l’histoire du peuple, tantôt la paix promesse de Dieu ; parfois simple quiétude entre les hommes. Parfois « paix intérieure », paix de l’âme, qu’il sera possible de préserver même au cœur de la guerre ; parfois « bonne nouvelle de la paix », c’est-à-dire du salut. À travers les écrits bibliques de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament, on observe un changement progressif du sens du mot « paix » : de la paix historique à la paix qui s’épanouit pleinement dans une création totalement renouvelée, « nouveaux cieux et nouvelle terre où la justice habitera », (Esaïe 65, 17), ou (2 Pierre 3,14).
    Shaloom, le mot Hébreu que nous traduisons par « paix », ne signifie pas seulement l’absence de guerre. Il peut se traduire de diverses manières : « shalom, shalom », disent par exemple les faux prophètes du temps de Jérémie (6,14,). Ce que certaines traductions récentes de la Bible rendent par : « tout va bien », car shalom exprime des relations au sein d’une communauté ; de bonnes relations permettant que chacun et chaque chose soient à leur place. Cela ne signifie pas un état dépourvu de tensions. Dans l’Ancien Testament, les tensions, les conflits, les changements font partie de la vie en commun. Ils peuvent même avoir une connotation positive, car ils permettent le réajustement des bonnes relations, le shalom devenait alors le processus même d’ajustement, le nouvel équilibre à trouver. Ainsi la construction de la paix est-elle inséparable de la recherche de la justice, c’est-à-dire de la justesse des relations entre grands et petits, riches et pauvres, membres du peuple et étrangers. Loin d’être un idéal, c’est un processus dynamique toujours en évolution, toujours à reprendre. Telle est la conception de la paix et de la justice qui doit orienter notre action.
I -3) RAPPORT ENTRE JUSTICE ET PAIX
La justice et la paix sont liées. Elles sont comme deux réalités allant de pair. La justice n’est pas un élément accessoire de construction de paix, elle apparaît comme un élément déterminant qui permet de clore un conflit et de favoriser à éviter sa reproduction. « La paix est le fruit de la justice » (Isaïe 32 ,17) ; comprise au sens large, comme le respect de l’équilibre de toutes les dimensions de la personne humaine. La paix est en danger quand l’homme se voit nier ce qui lui est dû en tant qu'homme, quand sa dignité n’est pas respectée et quand la coexistence n’est pas orientée vers le bien commun. « Pour la construction d’une société pacifique et pour le développement intégral des individus, des peuples, et des nations, la défense et la promotion des droits de l’homme sont essentielles ».4 En outre, la justice est un  élément indispensable du processus de réconciliation. Elle est essentielle au rétablissement de relations harmonieuses et pacifiques entre les hommes et les femmes qui ont dû vivre sous le règne de la terreur. Elle interrompt le cycle de violence, de la haine, car il n’y a pas de justice sans paix.
   La famille est le principal agent de paix et de justice. Dans la famille se manifestent les divers aspects de la paix, l’égalité dans les rapports entre enfants, l’autorité des parents vécue comme service qui font l’objet de toute l’attention familiale, l’entraide et l’accueil, le sacrifice et le pardon.
 Pour  prévenir les conflits et les violences il est absolument nécessaire que la paix commence à être vécue comme une valeur profonde dans l’intimité de toute personne. Ainsi  « elle se répand dans les familles et dans les différentes agrégations sociales, jusqu'à impliquer la communauté politique toute entière ».
     L’engagement le plus urgent et le plus efficace à soutenir la paix se situe dans la défense de la justice et dans l’instauration d’une culture de la justice dans le monde, car seule la justice pourra irriguer la paix. La justice n’est pas seulement la vertu qui pousse à reconnaître et à respecter les droits de chacun en lui remettant ce qui lui revient selon la raison et la loi, mais elle est l’outil le plus efficace pour construire la paix basée sur des relations d’équité : « Dans un climat général de concorde et de respect de la justice, peut mûrir une authentique culture de paix, capable de se répandre aussi dans la communauté internationale. La paix est donc fruit d’un ordre inscrit dans la société humaine par son divin fondateur et qui doit être réalisé par des hommes qui ne cessent d’aspirer à une justice plus parfaite ». Le fondement de la justice se trouve dans la création faite par Dieu. Ce qui existe de beau, de vrai est pour tous. La vocation de l’humanité à être et à se reconnaître comme famille trouve l’un de ses points d’appui dans le principe de la destination universelle des biens de la terre, en faveur du bien commun et de l’égalité entre tous. Lutter pour la justice est une action éminemment spirituelle, même si  cela touche aux problèmes relatifs à l’économie. La parole de Jésus invite à dépasser la justice des scribes et des pharisiens pour la transformer en amour solidaire et plein de compassion. Ce faisant la paix est aussi « le fruit de l’amour qui va bien au-delà de ce que la justice peut apporter […] c’est pourquoi, accomplissant la vérité dans la charité (Cf. Ep. 4,15), tous les chrétiens sont appelés avec insistance à se joindre aux hommes véritablement pacifiques pour implorer et instaurer la paix » (Gaudium et Spes n°78).
            Enfin, la doctrine sociale de l’Eglise ne se limite pas au discours sur la justice. Il ne faut jamais oublier la vertu de l’amour qui porte au pardon, à la réconciliation et qui anime l’engagement chrétien lui-même au service de la justice. Il demeure toutefois indubitable que le discours sur la justice est fondement de toute organisation correcte de l’ordre social.
 
II) ENJEUX  PHILOSOPHIQUES DES DEUX CONCEPTS
II-1) De l’époque antique
Dès l’antiquité grecque, nous voyons déjà le concept de justice se déployer en lien avec la paix. Cependant, les théories de la justice priment sur celles de la paix. Platon conçoit  la justice comme étant le fait de la stabilité sociale. Ainsi, la justice est le fait pour chacun de remplir sa tâche où la nature a bien voulu le placer selon le mérite et les aptitudes.
            Avec Aristote, une élaboration théorique de la justice devient plus visible. Il déclare qu’elle est la meilleur des vertus au point que ni l’étoile du matin, ni l’étoile du soir ne la surpasse en beauté. Elle l’est justement du point de vue de l’obligation et fait sortir l’homme de lui-même : « la vertu de justice est une habitude qui permet d’agir conformément à un choix délibéré de  ce qui est juste ». Ainsi  vivre en paix dans ce cadre correspond au désir naturel de l’amitié qui conduit l’homme au véritable bonheur qui est une qualité de vie conforme à la vertu. En outre l’homme est un  animal politique .Or la politique à pour but de rendre les citoyens honnêtes et capables de nobles actions. Ce qui est profitable à la fois à l’individus et à la communauté, car agir par vertu c’est agir rationnellement pour le véritable bonheur. Chez Aristote, nous trouvons deux sortes de justices : la justice distributive et la justice commutative. La première a pour objet, de répartir proportionnellement le bien commun selon le mérite retenu par la société. La seconde  régit les transactions privées volontaires ou involontaires.
II.2. De l’époque médiévale
            Pendant l’époque médiévale, la recherche de la justice et de la paix reposait sur la nécessité pour les enfants du même père de vivre en paix et d’être unis. Car il est bon pour des frères de vivre en paix et d’être unis nous  dit le psalmiste. Ici nous ne dirons plus simplement que l’homme de bien cherche la vertu ou le bonheur pour lui-même. Mais, parce qu’elle est voulue par Dieu. Saint thomas en parle dans la somme théologique. Il insiste sur le caractère altruiste de la justice : «  il est nécessaire que les plus grandes vertus soient celles qui honorent le mieux autrui ».  Le concept de paix est toujours lié a celui de justice. La paix avec saint thomas va au-delà de la simple concorde :
            « La paix implique quelque chose de plus que la concorde. Là où il y a la paix, il y a la concorde, mais là où  il y a concorde, il n’y a pas toujours la paix au sens précis du mot .En effet, la concorde proprement dite comporte une relation avec autrui, car elle résulte de l’union des cœurs. Mais la division peut exister au sein même d’une personne, et d’une double façon. D’abord entre les puissances volitives : ainsi souvent l’appétit sensible tend à ce qui est contraire à l’appétit raisonnable »9. C’est dans ce  sens que saint Paul dit : « la chair convoite contre l’esprit »(épître aux galates, 5,17)
De ce qui  précède, il en résulte que la paix dépasse le calme des apparences. Elle ne saurait être le résultat du « si vis pacem para bellum », des chefs de guerre du monde hellénistique. Car, la guerre engendre la guerre et non la paix.
II.3. De l’époque moderne
            L’un des grands aspects de la modernité sur le plan philosophique est le rejet de la loi naturelle et de la loi divine. Le triomphe de la raison devient comme une sorte d’obsession et de principe premier de toute réflexion. En nous approchant d’avantages de la période moderne, sollicitons l’un des plus grands théoriciens de la justice, John Rawls. Ce dernier pose la justice comme égalité. L’égalité dont il est question ici, est cette ouverture qu’à chacun des membres de la société de passer d’une strate inférieure à une strate supérieure, autant en économie qu’en politique et partout ailleurs, puisque les libertés de base sont acquises. La stabilité de cette justice est assurée par les institutions de la république qui se veulent inviolables dans leur principe démocratique. Ceci se comprend dans un contexte de l’après guerres mondiales et de la  guerre froide. Pendant cette période, le monde vit sous l’équilibre de la terreur, c'est-à-dire ni guerre ni paix. C’est pourquoi, les deux blocs (Etats-Unis et l’ex Union Soviétique) ne se sont pas affrontés. En outre, la paix est une affaire de traités, de feuille de route, de cesser le feu, et de désarmement.
III) L’IMPLICATION DE L’EGLISE POUR LA PROMOTION
DE LA JUSTICE ET DE LA PAIX
III-1) Motivation de l’Eglise dans son engagement
« Les joies et les espoirs, les tristesses, les angoisses des personnes, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des Disciples du Christ ». (Gaudium Et Spes n°1)
C’est avec ces mots que les pères du concile Vatican II  ont résolument optés pour une Eglise au service de l’humanité entière. Il est du devoir de l’Eglise de proclamer la Bonne Nouvelle du Salut. Celle-ci doit susciter une foi intégrée dans la vie quotidienne, par un engagement résolu pour le royaume de Dieu. Il se construit sur trois piliers inséparables : la justice, l’amour et la paix. La foi chrétienne exige la pratique de l’amour à l’échelle universelle. Cet amour suppose que la cause de la personne humaine (sa dignité et ses droits inaliénables) fasse l’objet d’une lutte permanente et inconditionnelle en faveur de toute personne humaine. Cette lutte vise la promotion intégrale jusqu'à un mieux être pour tous.
L’annonce du Royaume de justice, d’amour et de paix fait partie du devoir de l’Eglise et nécessite l’implication de toute l’Eglise dans l’action pour la justice. C’est ainsi que les évêques lors du Synode de 1971 disaient : « le combat pour la justice et la participation à la transformation du monde apparaissent pleinement comme une dimension constitutive de la prédication de l’Evangile qui est la mission de l’Eglise pour la rédemption de l’humanité et la libération à toutes situations oppressives ».
L’Eglise, peuple de Dieu, a reçu  la mission d’éveiller ce même peuple à son rôle de transformer par sa foi, les situations d’exploitations, de violences, de haine, d’atteinte à la dignité de la personne humaine ou d’injustice sociale en la fraternité universelle vécue selon la justice et la paix dans le monde. L’Eglise, famille de Dieu doit témoigner par la promotion de la justice et de la paix, dans le monde entier. L’Eglise continue à jouer ses rôles prophétiques et à être «  la voix des sans voix ».
En outre, l’apostolat de la promotion de la justice et en particulier celle de  la défense des droits humains. Ne peut pas être laissé à l’improvisation. Compte tenu de nombreuses violations de la dignité et des droits de l’homme qui sont perpétrées dans de nombreux pays. C’est dans cette optique que le pape Jean Paul II déclare : « …je demande aux conférences épiscopales d’instituer des commissions justice et paix aux différents nivaux ». C’est ainsi que l’Eglise universelle qui a son Siege à Rome entend s’engager pour la promotion de la justice et de la paix dans le monde.
III-2) Elaboration des encycliques par l’Eglise sur la justice et la paix
Les principales encycliques abordant davantage la question de la justice et de la paix sont : Pacem in terris (paix entre toutes les nations) et Justitia in mundo (la promotion de la justice dans le monde).Ces deux encycliques, publiées respectivement le 11 Avril 1963 par le Pape Jean XXIII et le 30 Décembre 1971 par le Pape  Paul VI.
En ce qui concerne Pacem in terris, c’est la deuxième grande encyclique de Jean XXIII après Mater in  Magistra. Elle entre dans la liste des documents écrits sur la paix par les différents Papes. Citons entre autres : l’exhortation de Benoît XV au gouvernement des pays engagés dans la première guerre mondiale (1er Août 1917), et son encyclique Pacem Dei du 20 Mai 1920 et les nombreux messages de noël de Pie XII évoquant la paix.
L’encyclique sur la paix de Jean XXIII arrive au moment où la situation internationale est dominée par la menace nucléaire ; cette encyclique est publiée après une période de longue guerre froide entre les Etats-Unis et l’Union soviétique. Ces deux puissances Accumulent un arsenal nucléaire suffisant pour détruire le monde. A cela, s’ajoute de multiples crises telles qu’en 1961, la construction du mur de Berlin, en 1962, la crise de Cuba. En ce moment, tout conflit devient trop dangereux. De nombreuses grandes puissances font pression sur les nations faibles (pressions économique, politique et sociales).La croissance des pays industrialisés semble illimitée, les pays africains nouvellement indépendants se lancent eux aussi dans le développement.
Le Pape Jean XXIII se base sur les textes de droits de l’homme sur le bien commun, sur le respect de la minorité, le respect entre les nations, les refugiés politiques et le désarmement pour écrire l’encyclique, Pacem in terris. Cette encyclique est une exhortation à la paix, un plaidoyer pour la paix et un appel à construire la paix. Il laisse entendre que la paix a de multiples dimensions depuis les relations individuelles jusqu’aux relations internationales. La paix concerne tous les nivaux de l’existence humaine. Pour lui la vérité, la justice, la charité et la liberté constituent les piliers pour une paix durable.
L’encyclique insiste beaucoup sur les questions de droit de l’homme à une recherche positive de la paix. Le Pape demande à l’ONU, de beaucoup travailler pour le développement des nations en vue d’une paix durable. Cette encyclique reste toujours un texte de base et une invitation jamais assez entendue pour la paix. Bref, elle reste un texte d’actualité. Car la paix et la justice sont des désirs de l’humanité de tout le temps.
En ce qui concerne l’encyclique Justitia in mundo, (la promotion de la justice dans le monde) du Pape Paul VI, c’est le résultat d’un travail du Synode des évêques. Assemblée réunie du 30 Septembre au 6 Novembre 1971 est la troisième après celui de 1967 et 1969. Le thème de la justice dans le monde est introduit au Synode suite au constat fait sur les cas d’injustice qui se passent dans le monde. Les Pères Synodaux ont évoqué des cas d’injustices dans l’Eglise et non seulement chez les autres. C’est à cette occasion que le problème de racisme en Afrique du Sud est dénoncé.
A la fin des travaux, le Synode a élaboré trois axes à suivre : la justice et la société mondiale, la mission de l’Eglise pour la justice et la pratique de la justice dans la société. Depuis 1971, le débat sur la justice dans le monde demeure une étape significative.
III-3) Création des commissions « Justice et Paix »
La commission pontificale « Justice et Paix » a été  instituée par le Pape Paul VI le 6 Janvier 1967. Cette institution a été  réalisée grâce à la demande du concile, et dans de nombreux pays du monde, des commissions nationales et des commissions diocésaines « Justice et Paix » ont été formées. Cette formation s’est faite initialement avec l’appui des conférences épiscopales internationales ou nationales.
La commission française « Justice et Paix est créée depuis Mars 1967, trois mois après la commission pontificale ; Cette commission est instituée sur l’initiative du conseil permanent de l’épiscopat. La commission française a une voix autorisée et qualifiée, participant à l’autorité morale de l’Eglise et collaborant avec l’épiscopat français pour les questions touchant au développement, à la paix et  aux droits de l’homme.
Pour ce qui est de la création de commission « Justice et Paix », au niveau de l’ACERAC (l’Assemblée des  conférences épiscopales de la région de l’Afrique Centrale), la commission la plus ancienne est celle du Cameroun à Yaoundé.  Cette commission est crée depuis le 12 Janvier 1969 par Mgr Jean ZOA. Le travail de cette commission est de réfléchir sur la promotion humaine et mobiliser le peuple pour trouver des solutions concrètes aux problèmes de la justice et de la paix. Elle  aide les gens qui vivent auprès d’elle à s’intéresser au développement en les éclaircissant sur les notions de la défense des dignités et des doits fondamentaux de la personne humaine. Elle s’intéresse aussi à la formation des consciences à la justice. Il est aussi à noter que la commission Justice et Paix, existe dans tous les pays membres de l’ACERAC. 

IV) LA GESTION DES CONFLITS
IV-1) Le terrorisme
Le mot terrorisme est employé pour la première fois après la révolution française. Il se rapportait au régime de la terreur, mais les phénomènes que l’on connaît aujourd’hui sur le nom de terrorisme sont bien différents. Désormais, on appelle terrorisme la manifestation de la violence inhumaine qui porte atteinte aux droits fondamentaux de l’homme, notamment le droit à la vie. Il est alimenté par la haine née des situations d’injustices, de l’isolement et de la méfiance née dans le contexte d’immigration. Les terroristes utilisent donc la violence la plus visible possible, pour faire peur à leur ennemi, surtout ils espèrent que la terreur de la population contraindra leur adversaire à négocier avec eux .Lorsqu’il est pratiqué par des groupes non gouvernementaux, des unités secrètes ou illégales, le terrorisme constitue le plus souvent un phénomène transfrontalier. S’il vient à être utilisé par un État, il se caractérise par l’instauration d’un régime de violence contre des citoyens, des groupes de citoyens ou des groupes communautaires. D’une façon générale, le terrorisme use de mesures d’exception qui ne relèvent pas des règles de la guerre.
Dans sa forme la plus courante, le terrorisme est un moyen de pression, un moyen de pouvoir tel qu’il permet d’imposer une contrainte sur l’action des gouvernements ou des institutions qu’il vise. Dans sa forme extrême, le terrorisme peut aller jusqu’à la remise en question de l’ordre politique et social existant ou même jusqu’à la révolution. Le terrorisme recouvre ainsi un champ d’action très vaste, dont la diversité est illustrée par plus d’un exemple historique. Depuis l’après-guerre, ce phénomène s’est accentué et internationalisé. La lutte contre le terrorisme doit être menée dans le respect des droits de l homme et des principes d’un état de droit. Le terrorisme n’appartient ni a une religion ni a une ethnie. C’est pourquoi le pape Jean Paul II dit C’est une profanation et un blasphème de se proclamer terroriste au nom de Dieu. C’est dans cette optique que l’Eglise est contre le terrorisme .Elles s’emploient à collaborer pour éliminer les causes du terrorisme. C’est le rôle des religions de promouvoir l’amitié la tranquillité et la paix durable entre les peuples.
 IV- 2)  La question du désarmement.
La détention illégale des armes de guerre représente une menace grave pour la stabilité et pour la paix dans le monde. Toute accumulation excessive d’armes dans de nombreuses familles constitue une source de violence et de  banditisme. En principe, les armes ne doivent jamais être considérées de la même façon que d’autres biens échangés au niveau mondial ou au marché populaire. En réalité la course aux armements, quelles que soient les raisons avancées menacent terriblement la paix. La course aux armements laisse libre occasion au vol à main armée, au terrorisme et au banditisme du grand chemin.
La charte des Nations Unies charge le conseil de sécurité d’élaborer des plans en vue d’établir un système de réglementations des armements qui seront soumis aux membres de l’ONU. Quelques semaines après la signature de la charte, la première bombe atomique éclatait et la question de désarmement devenait celle de la vie ou de la mort du genre humain. L’ONU a tenté en vain de résoudre la question de la bombe atomique, mais elle s’est révélée pour l’ensemble de la question de désarmement une boite de résonance.
Le programme soviétique de désarmement en quatre ans commençait par :
La réduction des effectifs sous des contrôles appropriés.
La seconde étape sera le licenciement complet des forces armées y compris celles stationnées à l’étranger.
Dans la troisième étape, toutes les armes nucléaires les missiles et équipements des forces aériennes seraient détruits de même que tous les stocks de matière destinés à la guerre chimique et bactériologique. La recherche scientifique a des fins militaires et toute éducation et formation militaire serait interdite. La suppression des budgets militaires permettrait des réductions d’impôts et les sources économisées serviraient à aider les pays sous-développés. Tout ce programme prétentieux s’est avéré utopique malgré les efforts déployés par les Anglais pour soutenir cette initiative enviable.
Sans prétendre avoir épuisé la question du désarmement du point de vue sociopolitique, nous pouvons néanmoins apprécier l’effort des gouvernements mondiaux à débattre et à agir pour le maintien de la paix par le désarmement.
Du reste, la question demeure sans solution initiative, mais l’Eglise n’a pas arrêté de soutenir ce qu’elle considère comme moyen de désarmer véritablement. C’est pour cette raison que le Concile Vatican II dit : « les armes de destructions de masse représentent une menace terrible. Ceux qui les possèdent ont une énorme responsabilité devant Dieu et devant les hommes » (Gaudium et Spes n° 80).
IV-3) La coopération au nom de la survie
Il est vrai que la plus grande organisation mondiale à portée universelle qui légifère et juge les différents en vue du maintien de la paix est l’ONU. Il est aussi vrai qu’à coté de cette dernière, l’Eglise, loin d’être une organisation mondiale au même titre que l’ONU reste une organisation temporelle de la vie pour suppléer au déficit spirituel dont l’humanité est en but. Les deux objectifs convergent dans le seul souci de justice. La charte des Nations Unies autorise les Etats membres à former des agences régionales pour maintenir la paix et la sécurité, pourvu qu’elle soit compatible avec les buts et principes de l’ONU. Ces alliances sont des auxiliaires de l’ONU, ainsi on peut distinguer l’OTAN, l’UE, la CEMAC, l’UA, et le Pacte de Bagdad.
Ces organisations cherchent le processus de paix et peuvent mieux le faire que quiconque parce que les pays membres ont en commun certains problèmes, certains principes et certaines règles de vie qui comptent davantage que tout ce qui les différencie. On parle de régionalisation. L’article 33 de la Charte des Nations Unies engage les Etats membres à rechercher la solution de leurs différends par voie de « négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlements juridique, de recours aux organismes et aux accords régionaux ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix. ». Tout est donc mis en place contre une intervention armée qui occasionnerait des dégâts irréparables. L’ONU dispose même en son sein des structures pour maintenir la paix telles que la CIJ, la FAO, l’OMS, l’UNESCO. Tous ces organismes constituent des boites mises en place pour la survie de l’humanité.
Aujourd’hui, l’ONU semble avoir perdu sa notoriété car, comme le dit David Coyle : « si nous voyons déferler trois grandes vagues de progrès, nous voyons aussi se  produire de dangereux reflux vers la barbarie ».  On peut alors prédire avec lui que l’ONU « sera peut être le vaisseau qui transportera l’humanité à travers les eaux tumultueuses qui se mêlent actuellement sur le monde ». Une chance de règlement de conflit nous vient du commerce international, cependant la recherche des intérêts égoïstes des nations prétentieuses constitue un danger qui guette le monde…
L’Eglise à travers son enseignement riche d’expériences, ne cesse de rappeler les principes pour lesquels l’humanité doit se greffer pour sortir de l’impasse. Ceux-ci sont issus du prince de la paix lui-même, de qui vient toute paix véritable, toute justice acceptable, le Christ venu a souffert, il est mort pour nous pour que nous ayons la vie en abondance. « C’est en unissant ses souffrances pour l’amour de la vérité et de la liberté aux souffrances du Christ sur la croix que l’homme peut accomplir le miracle de la paix » écrivait Jean-Paul II une dizaine de jours avant l’évènement du 11 septembre 2001. Cependant, nous pouvons proposer à l’Eglise d’insister à faire des conférences épiscopales des groupements régionaux des évêques un instrument efficace de la gestion des conflits.
 
CONCLUSION
Plusieurs interrogations ont retenu notre attention au sujet de la justice et de la paix, mais fondamentalement une : quelles sont les conditions de possibilités d’une justice et d’une paix véritable pour l’humanité ? Un examen minutieux de cette dernière nous a conduit tout a tour  a cerner le message biblique des deux concepts et à appréhender le contenu philosophique qui anime le débat aujourd’hui. Une perspective de résolution des conflits s’est avérée nécessaire à travers les efforts de communautés internationale et surtout du Magister de l’Eglise. En revanche, conscient de la réalité que l’Eglise s’intéresse avec dévouement et espérance à la question de la paix, la nécessité de ressortir les moyens de son action nous a préoccupé. Toutefois, il ressort que le terme justice et celui de paix sont corollaires. Nous ne pouvons pas parler de l’un sans l’autre. Pour s’en convaincre, référons nous au message de la journée mondiale de la paix « il n’y a pas  de paix sans justice, il n’y a pas de justice sans pardon ». L’humanité souffrira encore longtemps de la guerre tant quelle n’aura pas intégré les paroles du psalmiste : « justice et paix s’embrassent, amour et vérité se rencontrent » ajoutons en dernier ressort que tant que l’humanité toute entière ne se greffe pas au mystère christique, prince de la paix, elle demeurera souffrante d’injustice et de guerre. Sinon comment comprendre cette parole confiante de Saint Augustin « tu nous a fait pour toi Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi »

BIBLIOGRAPHIE
- Bible de Jérusalem, Paris, Cerf, 2001, 530 p.
- Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, Paris, Cerf, 2005.
- Devenir artisans de paix promoteur de justice, Yaoundé, 1999.
- Le discours social de l’Eglise catholique de Léon XIII à Jean-Paul II, Paris, Centurion, 1985.
- Obeservatore Romano, Revue Française du 06 Février, N 3.
- COYLE David, L’ONU au travail, Nouveaux horizons, 1964.
- Jean XXIII, Pacem in terris, Paris, Centurion, 1963.
- RASSAM Joseph, Saint Thomas l’être et l’esprit, Paris, PUF, 1971.
- RAWLS John, Théorie de la justice, Seuil, Paris, 1987.
 -Grand  Larousse universel Tome II, Paris, Larousse, 1984, P.195
 J.J. Delfour,  La doctrine kantienne des conditions transcendantales de la paix, in kaïtos, n°6, 1994, p.41.
 Grand Larousse universel op. Cit. , p. 283.
 - Pape Jean Paul II ? Message pour la jeunesse mondiale de la paix, 1999, P.386-387.
 - Cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique, P. 2317.
 - Ibid., P. 2304
 ARISTOTE, Ethique à Nicomaque livre5,cité par J. Rassam, Saint Thomas l’être et l’esprit, Paris P.U.F.1971, p. 147
 Ibid., p.148.
 - Compendium n°512.
 - Ecclesia in Africa n°106
 - Ibid. , n°106




Dieu est Amour, A MOI IL A DONNE TOUTE SA MISERICORDE

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